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Article publié le lundi 18 février 2002 revu le samedi 21 janvier 2023

Histoire

A l’origine de l’internet

Dès 1945, Vannevar Bush imaginait une machine à mémoriser mécanique stockant des microfilms et pressentait du même coup les fonctions de l’ordinateur comme amplificateur de mémoire.

De Vannevar Bush à Louis Pouzin.

Avec les ordinateurs, le temps partagé et l’idée de réseaux apparaissent. Bien plus tard, Paul Baran imagina le concept de réseau maillé redondant, puis Vinton Cerf aux Etats-Unis, Donald Watts Davies au Royaume-Uni et Louis Pouzin en France imaginèrent les réseaux de réseaux.

Si ceux-ci ne sont pas les créateurs directs de l’internet, ils n’en figurent pas moins parmi les grands pionniers.

Les pères fondateurs de l’internet

Les Américains ne tarissent pas d’éloges pour ces pionniers de la première heure et de nombreux ouvrages ou sites en langue anglaise témoignent de la reconnaissance qui leur est portée. Après tous, cette poignée de chercheurs ne représentent-ils pas les « pères fondateurs » de ce nouveau cybermonde ?

En octobre 1969, dix-neuf hommes, étudiants, professeurs, ingénieurs, techniciens et consultants, installèrent le premier noeud du réseau ArpaNet, l’ancêtre de l’Internet. Ces hommes se nommaient :

Robert Taylor, Charles Herzfeld, Larry Roberts, Wes Clark, Roger Scantlebury, Barry Wessler, Frank Heart, Bob Khan, Dave Walden, Severo Ornstein, Ben Barker, Truett Thach, Vint Cerf, Jon Postel, Steve Crocker, Bill Naylor, Len Kleinrock, Doug Engelbart, and Roland Bryan.

Ceux-là sont les pères fondateurs de l’internet.

Webographies :

http://www.olografix.org/gubi/estate/libri/wizards/pioneers.html
https://www.ibiblio.org/pioneers/index.html
https://www.computerhistory.org/internethistory/
https://historycooperative.org/who-invented-the-internet/
http://www.sis.pitt.edu/mbsclass/hall_of_fame/taylor.html

La ’French Touch’

Il est amusant de rappeler que quelques Français ont travaillé de concert avec ces fondateurs. L’un d’entre eux a rapporté cette petite anecdote restée célèbre :

« Dan n’avait plus guère de soucis financiers. Il avait donc choisi d’offrir, pour le repas, une dizaine de bouteilles d’un des meilleurs crus de la vallée de Napa, les Beaulieu Vineyards, chaque bouteille ayant un millésime différent.

[...] Toujours est-il que le bouchon du millésime 69 était si fragile, en si piteux état, que le maître d’hôtel hésitait, craignant de gâcher un aussi prestigieux flacon. Je pus donc montrer que mes années étudiantes à Paris n’avaient pas été vaines, et que bien manié, un tire-bouchon était un outil exceptionnel.

[...] J’avais enfin compris mon rôle à l’IAB : je n’étais pas seulement l’étranger de service, je pouvais devenir l’échansson. »

Christian HUITEMA, in « Et Dieu créa l’internet », 1995.

Le paradigme de l’imprimerie

Dans le roman de G. SINOUE, L’enfant de Bruges, une conversation hypothétique, entre le peintre Petrus christus et l’érudit Laurens COSTER, nous éclaire sur le bouleversement tranquille qu’ILS vivaient à ll’époque. Nous sommes à Bruges en 1441, et un visionnaire nous explique que le développement du papier et de l’imprimerie sont inéluctables et vont profondément modifier la société... comme il se dit de l’internet aujourd’hui.

« [...] Petrus l’interrompit :
 Crois-tu vraiment que le papier supplantera le vélin ? Après tout la peau possède autant de qualité : elle résiste relativement bien à la déchirure, au feu, à l’eau.
 Tu as en partie raison. Il reste un merveilleux support. Toutefois, tu oublies l’essentiel : le coût. Un livre d’environ cent cinquante feuillets exige près d’une douzaine de peaux. Le chiffre s’élève à deux mille cinq cents peaux pour deux cents exemplaires. Le Vitae Patrum en a exigé à lui seul plus de mille ! Il n’en sera pas de même le jour où l’on sera capable de reproduire les ouvrages artificiellement. Plus le tirage sera important, moins il sera onéreux. Il reposa la lettre en étain dans son écrin et enchaîna :
Mon ami, l’humanité n’a plus d’autre choix que d’accéder à l’ars artificialiter scribendi. Mille raisons lui imposent ce bouleversement [...] »

Gilbert SINOUE, in « L’enfant de Bruges », 1999.

Histoire des techniques

Dès l’apparition de l’internet dans le domaine public, en 1994, on a comparé l’impact qu’il aurait sur nos sociétés à celui qu’à eu l’imprimerie sur celles du 16e siècle. Ses adversaires, dans un spot publicitaire de Club-Internet, sont assimilés aux inquisiteurs-pompiers envoyés par Big Brother, dans un monde où les écrits de Bradbury et d’Orwell seraient devenus réalité.

Mais déjà en 2000, un spot publicitaire du fournisseur Freesbee tournait en dérision l’esprit des pionniers de l’internet : un monde de liberté, un monde d’amour, de fraternité, de partage...

Tout cela serait dépassé pour une vision plus pragmatique et triviale, voire mercantile de l’internet. Néanmoins, cette "laïcisation" du Réseau des réseaux ne doit pas nous interdire de chercher à comprendre son passé, car appréhender sa réalité c’est permettre un regard stratégique sur ses usages. Il nous faut donc (re)découvrir un internet démythifié, scientifiquement expliqué.

Il n’est désormais plus possible de considérer l’Internet comme une mode passagère mais bien comme un phénomène de société irréversible. Les dénominations ne manquent pas pour le désigner : cyberespace, toile d’araignée planétaire, réseau des réseaux, monde virtuel. Dans les faits, l’internet n’a rien de virtuel, c’est un ensemble gigantesque d’éléments techniques concrets de réseaux, de machines de routage ou de stockage et de programmes l’informatiques dénommés protocoles.

Cyberespace ?

Ce terme parfois encore employé pour désigner le réseau des réseau utilise le préfixe ’cyber’ qui est plus littéraire que scientifique. La cybernétique est une science, mais qui n’a que peu de lien avec l’internet. Alors pourquoi ’cyber’ a-t-il pris autan d’importance ? La faute au romancier souvent cité comme chef de fil e de la génération ’cyberpunk’, William GIBSON qui décrit dans ses anticipations de mondes où l’informatique et la drogue ont mené à ds sociétés dystopique... Il est l’auteur de ce terme de cyberespace.

Une fois de plus la littérature inspire les ingénieurs, comme les romans de robots d’Issac AZIMOV ont donné les lois de la robotique.

« Le cyberespace. Une hallucination consensuelle vécue quotidiennement en toute légalité par des dizianes de millions d’opérateurs, dans tous les pays, par des gosses auxquels on enseigne les concepts mathématiques... Une représentation graphique de données extraites de tous les ordinateurs du système humain. Une complexité impensable. Des traits de lumière disposés dans le non-espace de l’esprit, des amas et des constellations de données. Comme les lumières de villes, dans le lointain... »

William GIBSON, in « Neuromancien », 1984.

Le mot "protocole" avait été créé par Tom Marrill en 1965. La conception des réseaux d’ordinateurs demandera la mise au point de plusieurs protocoles nouveaux. BBN, l’entreprise qui avait été chargée de la construction des IMP, mit au point un protocole de supervision (« remote control ») comportant des outils de diagnostic et de débogage à distance, ainsi que le protocole de routage dynamique qui permettra aux paquets de contourner les nœuds et les liens saturés. »

Katie HAFFNER - Les Sorciers du Net - 1996

Passage To The Net : IP versus X25

Le succès de l’internet est du au pragmatisme étasunien des "pères de l’internet" qui ont bâti rapidement un protocole de routage et d’adressage de données informatiques sur un réseau décentralisé imaginé au temps de la guerre froide. Un protocole simple et rapide à installer, à l’image de la débrouillardise nord-américaine, peu robuste, mais qui a renvoyé au placard d’autres systèmes de routage comme X25 du réseau ’Transpac’ de France Télécom.

Ce protocole X25 fut conçu par le CNET, le Centre National d’Études des Télécommunications, à époque pompidolienne ou la recherche nationale pouvait se prévaloir d’un certain succès d’estime. Il a été établi comme norme par l’UIT, l’Union Internationale des télécommunications, qui est l’agence des Nations unies pour le développement spécialisé dans les technologies de l’information et de la communication, basée à Genève.

X25 était devenu la norme internationale utilisée pour la communication par paquets (ou en mode datagramme) sur pratiquement tous les réseaux publics propriétaires. Le réseau public Transpac l’utilisait par exemple pour le réseau informatique Télétel donnant accès au service Vidéotex dont les terminaux étaient les fameux Minitels. De conception robuste et sûre, ce protocole opérait en mode connecté (contrairement à TCP/IP). Il permettait des transmissions de données très fiables tout en utilisant des réseaux publics physiques de qualité très variable. Son côté « tout terrain » lui a permis de de s’imposer jusqu’à récemment pour le transfert de données sensibles (exemple GAB, transactions entre opérateurs de trafic aérien, etc.).

« À l’origine, le protocole IP de l’internet était prévu pour transporter des données informatiques. Il est aujourd’hui en passe de s’imposer sur tous les réseaux : téléphone, radio et télévision. Pour y parvenir, il lui faut cependant améliorer sa qualité de service, sa sécurité et offrir un accès universel. Les clés du succès sont-elles dans la dernière version de ce protocole, la sixième en date ? »

Patrick COQUET, in « La Recherche », n° de Février 2000.

Le développement rapide du réseau Internet a été fatal à X25. Ce réseau naissant (Arpanet à l’origine) utilisait ce nouveau protocole de communication étasunien IP (Internet Protocol), basé sur le même principe de datagrammes, mais en mode non connecté, détail important pour comprendre le rôle des cookies. Moins complexe, moins robuste, moins sécurisé, mais surtout moins coûteux à déployer, IP a supplanté peu à peu le protocole X25 qui a cessé officiellement d’exister en 2012.


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